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Acte II, scène XI.

Géronte, de même.

Et que si jamais je l’attrape, je saurai me venger de lui.

Scapin.

Oui.

Géronte, remettant la bourse dans sa poche et s’en allant.

Va, va vite requérir mon fils.

Scapin, courant après Géronte.

Holà, Monsieur.

Géronte.

Quoi ?

Scapin.

Où est donc cet argent ?

Géronte.

Ne te l’ai-je pas donné ?

Scapin.

Non vraiment ; vous l’avez remis dans votre poche.

Géronte.

Ah ! c’est la douleur qui me trouble l’esprit.

Scapin.

Je le vois bien.

Géronte.

Que diable alloit-il faire dans cette galère ? Ah ! maudite galère ! traître de Turc ! à tous les diables[1].

Scapin, seul.

Il ne peut digérer les cinq cents écus que je lui arrache ; mais il n’est pas quitte envers moi ; et je veux qu’il me paye en une autre monnoie l’imposture qu’il m’a faite auprès de son fils.

  1. La scène de Cyrano de Bergerac et celle de Molière ont le même but, et sont tracées sur le même plan. Cependant elles diffèrent par les détails, qui placent l’imitateur fort au-dessus de son modèle.
    (Aimé Martin.)
    Cette scène de la galère, que molière a rendue fameuse, a donné lieu à un mot plaisant de la célèbre Lecouvreur. Le compte de Saxe avait imaginé une galère sans rames et sans voiles, qui, à l’aide d’un certain mécanisme, devait remonter la Seine de Rouen à Paris en vingt-quatre heures. Il obtint un privilège d’après le certificat de deux savants qui attestaient la bonté de sa machine ; il se ruina en frais pour la faire construire et la mettre en état d’aller ; jamais il ne put en venir à bout… Mademoiselle Lecouvreur, sa maîtresse, apprenant le mauvais succès de tant de dépenses, s’écria : Que diable allait-il faire dans cette galère ?
    (Geoffroy.)