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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/585

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ACTE V, SCÈNE III.


Philaminte.
Vraiment, à votre bien on songe bien ici !
Et c’est là pour un sage, un fort digne souci !

Chrysale.
Enfin, pour son époux, j’ai fait choix de Clitandre.

Philaminte.
Et moi, pour son époux, (Montrant Trissotin.) voici qui je veux prendre :
Mon choix sera suivi ; c’est un point résolu.

Chrysale.
Ouais ! Vous le prenez là d’un ton bien absolu ?

Martine.
Ce n’est point à la femme à prescrire, et je sommes
Pour céder le dessus en toute chose aux hommes.

Chrysale.
C’est bien dit.

Martine.
C’est bien dit. Mon congé cent fois me fût-il hoc[1],
La poule ne doit point chanter devant le coq[2].

Chrysale.
Sans doute.

Martine.
Sans doute. Et nous voyons que d’un homme on se gausse,
Quand sa femme, chez lui, porte le haut-de-chausse.

Chrysale.
Il est vrai.

Martine.
Il est vrai. Si j’avois un mari, je le dis,
Je voudrois qu’il se fît le maître du logis ;
Je ne l’aimerois point, s’il faisoit le Jocrisse ;
Et si je contestois contre lui par caprice,

  1. Me fût-il hoc, c’est-à-dire me fût-il assuré. Cette expression proverbiale vient du hoc, jeu de cartes qu’on appelle ainsi parce qu’il y a six cartes qui sont hoc, c’est-à-dire assurées à celui qui le joue. (Ménage) — Ce jeu fut apporté par Mazarin en France, et il devint tellement à la mode, qu’il donna un proverbe à la langue. La Fontaine à employé ce proverbe dans sa fable du Loup et du Chenil. (Aimé Martin.)
  2. Molière rajeunit un vieux proverbe qu’on trouve dans Jean de Meung :
    C’est une chose qui moult me deplaist,
    Quand poule parle et coq se taist.
    Le sens de ce proverbe est qu’une femme ne doit prendre la parole que lorsque son mari a parlé. (Aimé Martin.)