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LE MALADE IMAGINAIRE,

COMÉDIE-BALLET EN TROIS ACTES.

1673.


NOTICE.


Voltaire a dit du Malade imaginaire : « C’est une de ces farces de Molière dans laquelle on trouve beaucoup de scènes dignes de la haute comédie. » Geoffroy a dit à son tour avec beaucoup de raison, en répondant à Voltaire : « Il faut retourner ce jugement. Le Malade imaginaire n’est point une farce, c’est une excellente comédie de caractère, où l’on trouve, à la vérité, quelques scènes qui se rapprochent de la farce ; et même, si la pièce était jouée décemment et sans charge, comme elle doit l’être, il n’y aurait qu’une scène de farce, celle du déguisement de Toinette en médecin. Dans cette pièce, qu’on voudrait flétrir du nom de farce, on voit combien l’amour désordonné de la vie est destructeur de toute vertu morale. Argan, voué à la médecine, esclave de M. Purgon, est aussi un époux sot et dupe, un père injuste, un homme dur, égoïste, colère. Avec quelle énergie et quelle vérité l’auteur trace le tableau des caresses perfides d’une belle-mère qui abuse de la faiblesse d’un imbécile mari pour dépouiller les enfants du premier lit ! Quelle décence, quelle raison ! quelle fermeté dans le caractère d’Angélique ! Cette comédie est l’image fidèle de ce qui se passe dans un grand nombre de familles. Enfin l’auteur a osé y attaquer un des préjugés les plus universels et les plus anciens de la société ; il a osé y combattre les deux passions qui font le plus de dupes, la crainte de la mort et l’amour de la vie : il a bien pu les persifler, mais, hélas ! il était au-dessus de son art de les détruire. Les usages qui ont leur force dans la faiblesse humaine, bravent tous les traits du ridicule. Molière, il faut bien l’avouer, n’a point corrigé les hommes de la médecine, mais il a corrigé les médecins de leur ignorance et de leur barbarie. Les représentations du Malade imaginaire ne diminuèrent pas le crédit des