Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/623

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s’il vous plaît, pour lui donner mon bien et en frustrer mes enfants ?

monsieur de bonnefoi.

Comment vous pouvez faire ? Vous pouvez choisir doucement un ami intime de votre femme, auquel vous donnerez en bonne forme, par votre testament, tout ce que vous pouvez ; et cet ami ensuite lui rendra tout. Vous pouvez encore contracter un grand nombre d’obligations non suspectes au profit de divers créanciers qui prêteront leur nom à votre femme, et entre les mains de laquelle ils mettront leur déclaration que ce qu’ils en ont fait n’a été que pour lui faire plaisir. Vous pouvez aussi, pendant que vous êtes en vie, mettre entre ses mains de l’argent comptant, ou des billets que vous pourrez avoir payables au porteur.

béline.

Mon Dieu ! il ne faut point vous tourmenter de tout cela. S’il vient faute de vous, mon fils, je ne veux plus rester au monde.

argan.

Ma mie !

béline.

Oui, mon ami, si je suis assez malheureuse pour vous perdre…

argan.

Ma chère femme !

béline.

La vie ne me sera plus de rien.

argan.

M’amour !

béline.

Et je suivrai vos pas, pour vous faire connoître la tendresse que j’ai pour vous.

argan.

Ma mie, vous me fendez le cœur ! Consolez-vous, je vous en prie.

monsieur de bonnefoi, à Béline.

Ces larmes sont hors de saison ; et les choses n’en sont point encore là.

béline.

Ah ! monsieur, vous ne savez pas ce que c’est qu’un mari qu’on aime tendrement.