Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/644

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monsieur diafoirus.

Optime.

argan, à Angélique.

Allons, saluez monsieur.

thomas diafoirus, à monsieur Diafoirus.

Baiserai-je[1] ?

monsieur diafoirus.

Oui, oui.

thomas diafoirus, à Angélique.

Madame, c’est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l’on…

argan, à Thomas Diafoirus.

Ce n’est pas ma femme, c’est ma fille à qui vous parlez.

thomas diafoirus.

Où donc est-elle ?

argan.

Elle va venir.

thomas diafoirus.

Attendrai-je, mon père, qu’elle soit venue ?

monsieur diafoirus.

Faites toujours le compliment de mademoiselle.

thomas diafoirus.

Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon rendoit un son harmonieux lorsqu’elle venoit à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d’un doux transport à l’apparition du soleil de vos beautés[2] ; et, comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, mademoiselle, que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce cœur

  1. Les auteurs de l’Histoire du Théâtre françois ont trouvé, dans les registres de Molière, les titres de différentes farces attribuées à Molière. Le grand Benêt de fils, joué en 1664, leur paraît être le modèle d’après lequel il a fait son rôle de Thomas Diafoirus. En effet, le baiserai-je ? et quelques autres traits de ce genre, ont bien l’air d’avoir appartenu au grand Benêt de fils.
  2. L’abbé d’Aubignac, dans une dissertation contre Corneille, où l’on retrouve le ton et le style de Thomas Diafoirus, débute ainsi : « Corneille avoit condamné sa muse dramatique au silence ; mais, à l’exemple de la statue de Memnon, qui rendoit ses oracles sitôt que le soleil la touchoit de ses rayons, il a repris la voix à l’éclat de l’or d’un grand ministre. » Il est probable que Molière a voulu se moquer dans ce passage du style de l’abbé. (Aimé Martin.)