Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/647

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

monsieur diafoirus.

Au reste, pour ce qui est des qualités requises pour le mariage et la propagation, je vous assure que, selon les règles de nos docteurs, il est tel qu’on le peut souhaiter ; qu’il possède en un degré louable la vertu prolifique, et qu’il est du tempérament qu’il faut pour engendrer et procréer des enfants bien conditionnés.

argan.

N’est-ce pas votre intention, monsieur, de le pousser à la cour, et d’y ménager pour lui une charge de médecin ?

monsieur diafoirus.

À vous en parler franchement, notre métier auprès des grands ne m’a jamais paru agréable ; et j’ai toujours trouvé qu’il valoit mieux pour nous autres demeurer au public. Le public est commode. Vous n’avez à répondre de vos actions à personne ; et, pourvu que l’on suive le courant des règles de l’art, on ne se met point en peine de tout ce qui peut arriver. Mais ce qu’il y a de fâcheux auprès des grands, c’est que, quand ils viennent à être malades, ils veulent absolument que leurs médecins les guérissent.

toinette.

Cela est plaisant ! et ils sont bien impertinents de vouloir que, vous autres messieurs, vous les guérissiez. Vous n’êtes point auprès d’eux pour cela ; vous n’y êtes que pour recevoir vos pensions et leur ordonner des remèdes ; c’est à eux à guérir s’ils peuvent.

monsieur diafoirus.

Cela est vrai. On n’est obligé qu’à traiter les gens dans les formes.

argan, à Cléante.

Monsieur, faites un peu chanter ma fille devant la compagnie.

cléante.

J’attendois vos ordres, monsieur ; et il m’est venu en pensée, pour divertir la compagnie, de chanter avec mademoiselle une scène d’un petit opéra qu’on a fait depuis peu. (À Angélique, lui donnant un papier.) Tenez, voilà votre partie.

angélique.

Moi ?

cléante, bas, à Angélique.

Ne vous défendez point, s’il vous plaît, et me laissez vous