D’où vient, mon frère, que je suis maître dans ma famille, pour faire ce que bon me semble ?
Votre femme ne manque pas de vous conseiller de vous défaire ainsi de vos deux filles ; et je ne doute point que, par un esprit de charité, elle ne fût ravie de les voir toutes deux bonnes religieuses.
Oh çà ! nous y voici. Voilà tout d’abord la pauvre femme en jeu. C’est elle qui fait tout le mal, et tout le monde lui en veut.
Non, mon frère ; laissons-la là : c’est une femme qui a les meilleures intentions du monde pour votre famille, et qui est détachée de toute sorte d’intérêt ; qui a pour vous une tendresse merveilleuse, et qui montre pour vos enfants une affection et une bonté qui n’est pas concevable : cela est certain. N’en parlons point, et revenons à votre fille. Sur quelle pensée, mon frère, la voulez-vous donner en mariage au fils d’un médecin ?
Sur la pensée, mon frère, de me donner un gendre tel qu’il me faut.
Ce n’est point là, mon frère, le fait de votre fille ; et il se présente un parti plus sortable pour elle.
Oui ; mais celui-ci, mon frère, est plus sortable pour moi.
Mais le mari qu’elle doit prendre doit-il être, mon frère, ou pour elle, ou pour vous ?
Il doit être, mon frère, et pour elle et pour moi ; et je veux mettre dans ma famille les gens dont j’ai besoin.
Par cette raison-là, si votre petite étoit grande, vous lui donneriez en mariage un apothicaire.
Pourquoi non ?