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Mais nos chansons, grand roi, ne sont pas sitôt prêtes
Et tu mets moins de temps à faire tes conquêtes
    Qu’il n’en faut pour les bien louer.


SONNET
À M. LA MOTHE LE VAYER
SUR LA MORT DE SON FILS[1]
1664

Aux larmes, Le Vayer, laisse tes yeux ouverts :
Ton deuil est raisonnable, encor qu’il soit extrême ;
Et, lorsque pour toujours on perd ce que tu perds,
La Sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-même.

On se propose à tort cent préceptes divers
Pour vouloir d’un œil sec voir mourir ce qu’on aime ;
L’effort en est barbare aux yeux de l’univers,
Et c’est brutalité plus que vertu suprême.

On sait bien que les pleurs ne ramèneront pas
Ce cher fils que t’enlève un imprévu trépas ;
Mais la perte, par là, n’en est pas moins cruelle.

Ses vertus de chacun le faisoient révérer ;
Il avoit le cœur grand, l’esprit beau, l’âme belle ;
Et ce sont des sujets à toujours le pleurer.

  1. Ce sonnet et la lettre qui l’accompagne ont été découverts dans les volumineux manuscrits de Conrart, le premier secrétaire perpétuel de l’Académie française, par M. de Monmerqué, conseiller à la Cour royale de Paris. Les premiers vers de ce sonnet se retrouvent en partie dans Psyché, acte II, scène première.
    (Auger.)