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Cléante

Qu’y a-t-il ?

La Flèche

Suivez-moi, vous dis-je ; nous sommes bien.

Cléante

Comment ?

La Flèche

Voici votre affaire.

Cléante

Quoi ?

La Flèche

J’ai guigné ceci tout le jour.

Cléante

Qu’est-ce que c’est ?

La Flèche

Le trésor de votre père, que j’ai attrapé.

Cléante

Comment as-tu fait ?

La Flèche

Vous saurez tout. Sauvons-nous ; je l’entends crier.


Scène VII.

HARPAGON, seul, criant au voleur dès le jardin, et venant sans chapeau[1].

Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a

    Molière est une école de dépravation. C’est la mauvaise comédie et le drame qui dépravent le cœur, parce qu’ils ont la prétention de prêcher et d’instruire, parce qu’ils énervent les âmes par la sentimentalité et corrompnet les esprits par le sophisme. La bonne comédie amuse aux dépends des vices qu’elle oppose les uns aux autres ; mais elle n’en recommande et n’en préconise aucun. » *. Un de mes amis, romancier et dramaturge célèbre, a bien voulu, à ma prière écrire la scène dans le ton du drame moderne. (Saint-Marc Girardin.)

  1. Dans Plaute, l’Avare, après le vol de son trésor, s’écrie : « Je suis perdu ! je suis assassiné ! je suis mort ! où irai-je ? où n’irai-je pas ? Arrêtez, arrêtez. Qui ? je ne sais. Je ne vois rien. Je cherche en aveugle. Je perds la raison. Sais-je où je vais, où je suis, qui je suis ? Au secours ! mes chers amis, decouvrez-moi, oh ! découvrez-moi celui qui m’a dérobé… Que dis-tu, toi ? Je peux me fier à toi ; tu m’as l’air d’un homme de bien. Vous riez : je vous connois tous, et je n’ignore pas qu’il y a ici beaucoup de voleurs. Quoi ! personne ne veux me la rendre ! je vais mourir, je meurs. Qu’est-ce ? dis, dis qui me l’a dérobée. Tu ne le sais pas ! Ah ! je suis ruiné ! Malheureux ? malheureux ! me voilà sans ressources sur la terre ! la faim, la misère, vont m’accabler… Fatale journée qu’ai-je besoin de vivre, après la perte de tant d’or ? je le gardois avec un si grand soin ! Hélas ! je me suis trahi moi-même ! j’étois aveuglé, et maintenant on se réjouit de mon malheur !… » (Aululaire, acte IV, scène x).