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Le commissaire

Il faut, si vous m’en croyez, n’effaroucher personne et tâcher doucement d’attraper quelques preuves afin de procéder après, par la rigueur, au recouvrement des deniers qui vous ont été pris.


Scène II.

HARPAGON, UN COMMISSAIRE, MAÎTRE JACQUES.
Maître Jacques, dans le fond du théâtre, en se retournant du côté par lequel il est entré.

Je m’en vais revenir. Qu’on me l’égorge tout à l’heure ; qu’on me lui fasse griller les pieds ; qu’on me le mette dans l’eau bouillante, et qu’on me le pende au plancher.

Harpagon, à maître Jacques.

Qui ? celui qui m’a dérobé ?

Maître Jacques

Je parle d’un cochon de lait que votre intendant me vient d’envoyer, et je veux vous l’accommoder à ma fantaisie.

Harpagon

Il n’est pas question de cela ; et voilà Monsieur, à qui il faut parler d’autre chose.

Le commissaire, à maître Jacques.

Ne vous épouvantez point. Je suis homme à ne vous point scandaliser, et les choses iront dans la douceur.

Maître Jacques

Monsieur est de votre souper ?

Le commissaire

Il faut ici, mon cher ami, ne rien cacher à votre maître.

Maître Jacques

Ma foi, Monsieur, je montrerai tout ce que je sais faire, et je vous traiterai du mieux qu’il me sera possible.

Harpagon

Ce n’est pas là l’affaire.

Maître Jacques

Si je ne vous fais pas aussi bonne chère que je voudrois, c’est la faute de monsieur votre intendant, qui m’a rogné les ailes avec les ciseaux de son économie.

Harpagon

Traître ! il s’agit d’autre chose que de souper ; et je veux que tu me dises des nouvelles de l’argent qu’on m’a pris.