Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/99

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Harpagon

Hé ! dis-moi donc un peu : tu n’y as point touché ?

Valère

Moi, y toucher ! Ah ! vous lui faites tort, aussi bien qu’à moi ; et c’est d’une ardeur toute pure et respectueuse que j’ai brûlé pour elle.

Harpagon, à part.

Brûlé pour ma cassette !

Valère

J’aimerois mieux mourir que de lui avoir fait paroître aucune pensée offensante : elle est trop sage et trop honnête pour cela.

Harpagon, à part.

Ma cassette trop honnête !

Valère

Tous mes désirs se sont bornés à jouir de sa vue ; et rien de criminel n’a profané la passion que ses beaux yeux m’ont inspirée.

Harpagon, à part.

Les beaux yeux de ma cassette ! Il parle d’elle comme un amant d’une maîtresse[1].

Valère

Dame Claude, Monsieur, sait la vérité de cette aventure ; et elle vous peut rendre témoignage.

Harpagon

Quoi ! ma servante est complice de l’affaire ?

Valère

Oui, Monsieur : elle a été témoin de notre engagement ; et c’est après avoir connu l’honnêteté de ma flamme, qu’elle m’a aidé à persuader votre fille de me donner sa foi, et recevoir la mienne.

Harpagon, à part.

Hé ! Est-ce que la peur de la justice le fait extravaguer ? (À Valère.) Que nous brouilles-tu ici de ma fille ?

Valère

Je dis, Monsieur, que j’ai eu toutes les peines du monde à faire consentir sa pudeur à ce que voulait mon amour.

Harpagon

La pudeur de qui ?

  1. Comparer ce passage avec la scène x de l’acte IV de l’Aululaire.