Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 02.djvu/122

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L’un amasse du bien, dont sa femme fait part
À ceux qui prennent soin de le faire cornard ;
L’autre un peu plus heureux, mais non pas moins infâme,
Voit faire tous les jours des présents à sa femme,
Et d’aucun soin jaloux n’a l’esprit combattu,
Parce qu’elle lui dit que c’est pour sa vertu.
L’un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères ;
L’autre en toute douceur laisse aller les affaires,
Et, voyant arriver chez lui le damoiseau,
Prend fort honnêtement ses gants et son manteau.
L’une de son galant, en adroite femelle,
Fait fausse confidence à son époux fidèle,
Qui dort en sûreté sur un pareil appas,
Et le plaint, ce galant, des soins qu’il ne perd pas :
L’autre, pour se purger de sa magnificence,
Dit qu’elle gagne au jeu l’argent qu’elle dépense ;
Et le mari benêt, sans songer à quel jeu,
Sur les gains qu’elle fait rend des grâces à Dieu.
Enfin ce sont partout des sujets de satire ;
Et, comme spectateur, ne puis-je pas en rire ?
Puis-je pas de nos sots ?…


chrysalde.

Puis-je pas de nos sots ?… Oui ; mais qui rit d’autrui
Doit craindre qu’en revanche on rie aussi de lui.
J’entends parler le monde ; et des gens se délassent
À venir débiter les choses qui se passent ;
Mais, quoi que l’on divulgue aux endroits où je suis,
Jamais on ne m’a vu triompher de ces bruits.
J’y suis assez modeste : et bien qu’aux occurrences
Je puisse condamner certaines tolérances,
Que mon dessein ne soit de souffrir nullement
Ce que quelques maris souffrent paisiblement,
Pourtant je n’ai jamais affecté de le dire ;
Car enfin il faut craindre un revers de satire,
Et l’on ne doit jamais jurer sur de tels cas.
De ce qu’on pourra faire, ou bien ne faire pas.
Ainsi, quand à mon front, par un sort qui tout mène,
Il seroit arrivé quelque disgrâce humaine,