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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 03.djvu/341

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Qui ne sauroit souffrir qu’un autre ait les plaisirs
Dont le penchant de l’âge a sevré leurs désirs.

MADAME PERNELLE, à Elmire.

Voilà les contes bleus qu’il vous faut pour vous plaire,
Ma bru. L’on est chez vous contrainte de se taire :
Car madame à jaser tient le dé tout le jour.
Mais enfin je prétends discourir à mon tour :
Je vous dis que mon fils n’a rien fait de plus sage
Qu’en recueillant chez soi ce dévot personnage ;
Que le ciel, au besoin, l’a céans envoyé
Pour redresser à tous votre esprit fourvoyé ;
Que, pour votre salut, vous le devez entendre ;
Et qu’il ne reprend rien qui ne soit à reprendre.
Ces visites, ces bals, ces conversations,
Sont du malin esprit toutes inventions.
Là jamais on entend de pieuses paroles ;
Ce sont propos oisifs, chansons et fariboles :
Bien souvent le prochain en a sa bonne part,
Et l’on y sait médire et du tiers et du quart.
Enfin les gens sensés ont leurs têtes troublées
De la confusion de telles assemblées :
Mille caquets divers s’y font en moins de rien ;
Et, comme l’autre jour un docteur dit fort bien,
C’est véritablement la tour de Babylone,
Car chacun y babille, et tout du long de l’aune ;
Et, pour conter l’histoire où ce point l’engagea…

Montrant Cléante.

Voilà-t-il pas monsieur qui ricane déjà !
Allez chercher vos fous qui vous donnent à rire,

À Elmire.

Et sans… Adieu, ma bru ; je ne veux plus rien dire.
Sachez que pour céans j’en rabats de moitié,
Et qu’il fera beau temps quand j’y mettrai le pied.

Donnant un soufflet à Flipote.

Allons, vous, vous rêvez et bayez[1] aux corneilles :
Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles !
Marchons, gaupe, marchons !

  1. Pour : rester béant. Du latin, beare, rester la bouche ouverte en regardant les corneilles.