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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/30

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Mercure.

Sus, je romps notre trêve, et reprends ma parole.

Sosie.

N’importe, je ne puis m’anéantir pour toi,
Et souffrir un discours si loin de l’apparence.
Être ce que je suis est-il en ta puissance ?
Et puis-je cesser d’être moi ?
S’avisa-t-on jamais d’une chose pareille ?
Et peut-on démentir cent indices pressants ?
Rêvé-je ? est-ce que je sommeille ?
Ai-je l’esprit troublé par des transports puissants ?
Ne sens-je pas bien que je veille ?
Ne suis-je pas dans mon bon sens ?
Mon maître Amphitryon ne m’a-t-il pas commis
À venir en ces lieux vers Alcmène sa femme ?
Ne lui dois-je pas faire, en lui vantant sa flamme,
Un récit de ses faits contre nos ennemis ?
Ne suis-je pas du port arrivé tout à l’heure ?
Ne tiens-je pas une lanterne en main ?
Ne te trouvé-je pas devant notre demeure ?
Ne t’y parlé-je pas d’un esprit tout humain ?
Ne te tiens-tu pas fort de ma poltronnerie
Pour m’empêcher d’entrer chez nous ?
N’as-tu pas sur mon dos exercé ta furie ?
Ne m’as-tu pas roué de coups ?
Ah ! tout cela n’est que trop véritable,
Et plût au Ciel le fût-il moins !
Cesse donc d’insulter au sort d’un misérable,
Et laisse à mon devoir s’acquitter de ses soins.

Mercure.

Arrête, ou sur ton dos le moindre pas attire
Un assommant éclat de mon juste courroux.
Tout ce que tu viens de dire
Est à moi, hormis les coups.