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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/34

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Mon amour, que gênaient tous ces soins éclatants
Où me tenait lié la gloire de nos armes,
Au devoir de ma charge a volé les instants
Qu’il vient de donner à vos charmes.
Ce vol qu’à vos beautés mon cœur a consacré
Pourrait être blâmé dans la bouche publique,
Et j’en veux pour témoin unique
Celle qui peut m’en savoir gré.

Alcmène.

Je prends, Amphitryon, grande part à la gloire
Que répandent sur vous vos illustres exploits ;
Et l’éclat de votre victoire
Sait toucher de mon cœur les sensibles endroits ;
Mais quand je vois que cet honneur fatal
Éloigne de moi ce que j’aime,
Je ne puis m’empêcher, dans ma tendresse extrême,
De lui vouloir un peu de mal,
Et d’opposer mes vœux à cet ordre suprême
Qui des Thébains vous fait le général.
C’est une douce chose, après une victoire,
Que la gloire où l’on voit ce qu’on aime élevé ;
Mais parmi les périls mêlés à cette gloire,
Un triste coup, hélas ! est bientôt arrivé.
De combien de frayeurs a-t-on l’âme blessée,
Au moindre choc dont on entend parler !
Voit-on, dans les horreurs d’une telle pensée,
Par où jamais se consoler
Du coup dont on est menacée ?
Et de quelque laurier qu’on couronne un vainqueur,
Quelque part que l’on ait à cet honneur suprême,
Vaut-il ce qu’il en coûte aux tendresses d’un cœur
Qui peut, à tout moment, trembler pour ce qu’il aime ?

Jupiter.

Je ne vois rien en vous dont mon feu ne s’augmente :
Tout y marque à mes yeux un cœur bien enflammé ;
Et c’est, je vous l’avoue, une chose charmante
De trouver tant d’amour dans un objet aimé.