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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/38

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Mercure.

Mon Dieu ! tu n’es que trop honnête :
Ce grand honneur ne me vaut rien.
Ne sois point si femme de bien,
Et me romps un peu moins la tête.

Cléanthis.

Comment ? de trop bien vivre on te voit me blâmer ?

Mercure.

La douceur d’une femme est tout ce qui me charme ;
Et ta vertu fait un vacarme
Qui ne cesse de m’assommer.

Cléanthis.

Il te faudrait des cœurs pleins de fausses tendresses,
De ces femmes aux beaux et louables talents,
Qui savent accabler leurs maris de caresses,
Pour leur faire avaler l’usage des galants.

Mercure.

Ma foi ! veux-tu que je te dise ?
Un mal d’opinion ne touche que les sots ;
Et je prendrais pour ma devise :
« Moins d’honneur, et plus de repos. »

Cléanthis.

Comment ? tu souffrirais, sans nulle répugnance,
Que j’aimasse un galant avec toute licence ?

Mercure.

Oui, si je n’étais plus de tes cris rebattu,
Et qu’on te vît changer d’humeur et de méthode.
J’aime mieux un vice commode
Qu’une fatigante vertu.
Adieu, Cléanthis, ma chère âme :
Il me faut suivre Amphitryon.

Il s’en va.


Cléanthis.

Pourquoi, pour punir cet infâme,
Mon cœur n’a-t-il assez de résolution ?
Ah ! que dans cette occasion
J’enrage d’être honnête femme !