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Page:Molière - Œuvres complètes, Garnier, 1904, tome 03.djvu/183

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de vous exagérer lui-même toutes les pièces du repas qu’il vous donnerait, et de vous faire tomber d’accord de sa haute capacité dans la science des bons morceaux, de vous parler d’un pain de rive, à biseau doré, relevé de croûte partout, croquant tendrement sous la dent ; d’un vin à sève veloutée, armé d’un vert qui n’est point trop commandant ; d’un carré de mouton gourmandé de persil ; d’une longe de veau de rivière, longue comme cela, blanche, délicate, et qui sous les dents est une vraie pâte d’amande ; de perdrix relevées d’un fumet surprenant ; et pour son opéra, d’une soupe à bouillon perlé, soutenue d’un jeune gros dindon cantonné de pigeonneaux, et couronnée d’oignons blancs, mariés avec la chicorée. Mais pour moi, je vous avoue mon ignorance ; et comme Monsieur Jourdain a fort bien dit, je voudrais que le repas fût plus digne de vous être offert.

Dorimène
Je ne réponds à ce compliment qu’en mangeant comme je fais.

Monsieur Jourdain
Ah ! que voilà de belles mains !

Dorimène
Les mains sont médiocres, Monsieur Jourdain ; mais vous voulez parler du diamant, qui est fort beau.

Monsieur Jourdain
Moi, Madame ! Dieu me garde d’en vouloir parler ; ce ne serait pas agir en galant homme, et le diamant est fort peu de chose.

Dorimène
Vous êtes bien dégoûté.

Monsieur Jourdain
Vous avez trop de bonté.

Dorante, après avoir fait signe à Monsieur Jourdain.
Allons, qu’on donne du vin à Monsieur Jourdain, et à ces Messieurs et à ces dames, qui nous feront la grâce de nous chanter un air à boire.

Dorimène
C’est merveilleusement assaisonner la bonne chère, que d’y mêler la musique, et je me vois ici admirablement régalée.

Monsieur Jourdain