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LIVRE I, CHAP. XII

qui accepte le rôle de la victime propitiatoire, se précipite dans l’abîme, ou dans les rangs des ennemis. Les mêmes idées sont la cause et l’explication de l’institution du Printemps sacré (sacrum Ver) : tout ce qui naît à cette époque, hommes ou animaux, est offert aux dieux. Que si à toute force on veut qu’il y ait un sacrifice humain au fond d’un tel usage, on pourra soutenir aussi que ce sacrifice n’a point été inusité dans les cultes latins. Toutefois, si loin que nous allions fouiller dans les profondeurs de l’histoire, nous ne verrons jamais en Italie ôter la vie à la victime, à l’exception du criminel judiciairement convaincu, et de l’innocent qui s’en va spontanément à la mort. Verser le sang humain sur les autels est contraire à la notion primitive de l’offrande faite aux dieux, et, chez les races indo-germaniques au moins, accuse toujours une dégénérescence et un retour à la sauvagerie. Les Romains n’ont jamais ouvert la porte à ces coutumes barbares. À peine si, dans une seule et unique circonstance, la misère des temps, la superstition et le désespoir les ont pu pousser à recourir à cet horrible moyen de salut. Les vestiges sont également rares d’une croyance dans les spectres, les enchantements et les mystères du monde extra naturel. Jamais les oracles et les prophètes n’ont eu en Italie la puissance qu’ils avaient acquise en Grèce : jamais ils n’ont su commander aux actes de la vie publique et privée. En revanche, la religion latine s’est promptement rétrécie par l’effet de l’inanition et de la sécheresse : elle a fini par n’être rien de plus qu’un rituel pénible et vide quant à la pensée. Le Dieu italique, répétons-le encore, est avant tout un médiateur qui procure au fidèle l’obtention matérielle de ses vœux terrestres. Les Italiens ont toujours eu ce penchant inné pour les notions concrètes et réalistes ; et leurs idées religieuses suivent aujourd’hui encore la même voie dans le culte des saints. Pour eux,