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LIVRE I, CHAPITRE IV

l’argent monnayé a été de bonne heure en usage à Rome, et des traités de commerce avec les places trans-maritimes y ont déjà été conclus. Tout cela fait comprendre, ce que d’ailleurs la légende confirme, comment Rome n’a pas été fondée et bâtie d’un seul coup ; comment elle s’est faite peu à peu ; comment enfin, parmi les villes latines, elle fut la plus récente, peut-être, au lieu d’être la plus vieille. Avant l’établissement du grand marché (emporium) sur les bords du Tibre, les terres intérieures ont été occupées et peuplées ; le mont Albain et les autres collines de la campagne s’étaient couronnées de leurs citadelles. Que Rome ait été créée en vertu d’une décision prise par les Latins confédérés : qu’elle doive plutôt sa naissance au coup d’œil et à l’entreprise d’un fondateur oublié depuis ; ou qu’elle soit le produit naturel de ce mouvement commercial, attesté par de sûrs indices, peu importe après tout : nous ne tenterons pas, à cet égard, une conjecture peut-être impossible.

À ces considérations sur l’heureuse situation commerciale de Rome, d’autres observations viennent utilement s’ajouter. Quand l’histoire éclaire ces temps de ses premières lueurs, la ville apparaît déjà dans son unité exclusive, avec son enceinte fermée, au milieu de la confédération latine. Tandis que les Latins persistent à habiter des villages ouverts, et ne se rassemblent dans la citadelle commune qu’aux jours de fêtes ou de conseil, ou qu’en cas de péril imminent, il semble probable que ces habitudes de vie à l’extérieur ont été plus tôt et plus facilement abandonnées chez les Romains. Loin de nous de prétendre que le Romain ait pour cela cessé d’occuper sa maison des champs, et qu’il n’ait pas continué d’y voir son véritable foyer domestique : mais l’air de la campagne était malsain, et les habitants se sentirent entraînés souvent à se bâtir aussi une demeure sur les