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HAMILCAR ET HANNIBAL
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pour leur assurer la puissance et les douceurs de la vie? Mais qui leur garantissait maintenant leurs possessions même réduites? —— Il fallait vouloir à toute force perdre la mémoire, pour ne pas se souvenir de l’entreprise de Régulus. Combien il s’en était fallu de peu que son succès n’eût été complet! Si les Romains, partant de Lilybée, avaient tenté ce qu’ils avaient une fois si heureusement essayé en partant _d’ltalie, Carthage indubitablement auraitsuccombé, à moins que l’ennemi ne recommencât ses anciennes fautes, à moins d'un coup imprévu de la fortune. A la vérité, on avait aujourd’hui la paix; mais il avait tenu à un fil que Rome refusât la ratification du traité; et l'opinion publique s’y était montrée décidément contraire. ll se pouvait que la République ne songeât point encore à la conquête de l’Afrique, et que l’Italie lui suffit; mais si le salut de Carthage était attaché à une telle condition, quels dangers ne courait-elle pas? Qui donc pouvait garantir que la politique des Romains, même en restant italienne, n’exigerait point au premier jour, non pas seulement la soumission, mais la destruction de Carthage? Bref, pour Carthage la paix de 513 241 av. J.-C. n’est qu`une trêve. Il faut qu’elle se prépare, tant que cette paix durera, à l’inévitable reprise des hostilités. Ce ne sont plus les récentes défaites qu’il s’agit de venger, ce n’est plus le territoire perdu qu'il convient de reprendre; il s’agit de conquérir le droit de vivre, autrement que par le bon plaisir de l’ennemi national.

Dans tout état plus faible en butte à une guerre Le parti de la guerre et le parti de la paix. d'anéantissement certain, mais dont l’heure indécise n’a point sonné encore, c’est le devoir des hommes, prudents, fermes et désintéressés, de se tenir prêts pour l’inévitable lutte; de l’entreprendre au moment favorable, et de fortifier par l'offensive stratégique les calculs d’une`politique de défense. Mais combien alors ils se sentent entravés de toutes parts par la cohue pares-