Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 5.djvu/245

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` RÉVOLUTION SULPICIENNE 241 situation percée à jour durant la crise financière, en dépit des apparences et de l’éclat extérieur, Pour douloureux que fût le sacrifice, il y allait de l’interét bien entendu de l’aristocratie, de voir sortir de la Curie (et tel eut été —le résultat de la loi Sulpicienne) tous les sénateurs hors d’état de liquider promptement leur passif. On en comp- tait en effet bon nombre qui, surchargés de dettes, marchaient comme enchainés à la suite de leurs collègues plus riches, esclaves de coteries qu’il fallait détruire en ` expulsant touteune foule notoirement vénale. Recon- naissons pourtant qu’à vouloir ainsi nettoyer l’étable d’Augias, Rufus 'exposait en pleine lumière les vices honteux du Sénat : la mesure était brutale, odieuse; et il ne l’aurait pas prise en main sans ses démelés avec les chefs de la faction. Enfin, si par sa motion en faveur des affranchis, il visait à devenir aussitot roi de la rue, cette motion avait bien aussi ses justes causes, et pouvait d’ailleurs se concilier avec les institutions aristocratiques. Depuis qu’on' avait appelé les affranchis au service mili- taire, n’étaient-ils donc pas fondés à réclamer le `vote politique? Toujours le vote et le service à l’armée avaient marché de pair. Et puis, dans cet abaissement des comices, politiquement annulés désormais, quel grand inconvénient à ce qu’un égoût de p_lus vint se perdre dans l’immense cloaque? En admettant tous les affranchis indistinctement Èl la cité, loin d’accroitre les difficultés du gouvernement pour'l'oligarchie, on allait en les amoin~ tlrissant. Les affranchis, pour la plupart, étaient, de leur fortune et de leurs biens, dans la dépendance des grandes familles : utilisés à propos, ils offraient au pouvoir un levier pour peser plus efficacement sur les élections. Sans doute, comme toute autre faveur politique concédée—au prolétariat, la mesure allait à l’encontre méme des ten- dances de l’aristocratie réformiste; mais pour Rufus elle n’était rien deplus que n’avait` été la'loi des céréales pour , Drusus; elle était le moyen d’attirer à soi les prolétaires, v. ' · 46