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UNE ŒUVRE D’ARTISTE

qu’il avait abandonnées en quittant son village, Benoit fut placé comme externe, dans un collège voisin. Il se mit à l’étude avec ardeur et ne tarda pas à parvenir au même niveau que les élèves de son âge ; en quelques mois il les dépassa ; mais où il se surpassait c’était à l’atelier du sculpteur ; celui-ci constatait avec fierté ses prodigieux progrès. Chose étrange ! quand le vieux maître lui parlait de sa joie de le voir un jour continuer son art et qu’il le nommait déjà et sans regret : son successeur. Benoit ne répondait pas, il avait en retour un singulier sourire. Simonet prenait cet énigmatique silence pour de la modestie.

Quelquefois, les jours de congé, on se rendait à la Bourine ; Bertrande accomplissait alors des merveilles culinaires, c’était là, pour la brave fille, sa meilleure manière de témoigner à son vieux maître, et surtout à Benoit, qu’elle aimait tant, son affectueux dévouement,

Maître Simonet conduisit un jour Benoit à son pays natal. Malgré les tristes souvenirs qu’il devait y rencontrer, ce voyage fut pour l’enfant la plus délicieuse journée de sa nouvelle existence. La première étape fut pour le cimetière ; une agréable surprise l’y attendait : la tombe aimée était entretenue mieux encore que toutes les autres ! Benoit comprit que le cœur délicat de Sœur Mélanie s’était arrêté là ; aussi la seconde visite fut pour elle. La sainte créature revit avec bonheur son ancien « petit favori », elle constata, non sans une pieuse satisfaction, dans son regard limpide, que l’innocence était toujours la plus belle parure de cette âme d’élite. Longtemps elle conserva la joyeuse impression de cette visite qu’elle n’espérait pas, et, chaque jour, elle demandait à Dieu de garder sous sa puissante sauvegarde cet enfant privilégié.