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CŒUR MAGNANIME

faire partager mon bonheur ; on est si bien en ce paisible asile ; ici, tante chérie, on se croirait dans le vestibule du paradis. »

Un peu plus tard elle écrivait encore : « Les jours s’écoulent pour moi dans une douce quiétude et j’apprécie de plus en plus ma sainte vocation. On vit heureuse au Carmel et on y meurt « joyeusement ». Une de nos mères vient de nous quitter pour le ciel. Nous l’envions ! Enfin bientôt viendra notre tour d’aller consommer là-Haut nos noces mystiques avec l’Époux divin. La cellule où cette vénérée mère s’est immolée pendant quarante années pour l’amour de son Dieu et le salut des âmes, se trouve justement à côté de la mienne. J’ai fait un bien beau rêve : je vous ai vue revêtue des livrées du Carmel et vous étiez prosternée sur les dalles de l’étroite chambrette que notre chère compagne a quittée hier pour la première fois. Ah ! si ce beau songe devenait une réalité ! mais laissons faire le bon Dieu. L’essentiel pour nous c’est d’être dans la voie qu’il nous a tracée ; les chemins par où Il nous conduit sont différents pour chacun, mais le terme est le même et c’est vers ce but suprême que nous marchons. Là nous nous rejoindrons. Que j’ai hâte d’être en cet heureux jour ! Car, tante bien-aimée, au cloître on n’oublie pas ceux qui nous ont aimées et leur cher souvenir hante bien souvent les recluses volontaires. Mon cœur est toujours près du vôtre et avec lui près de Dieu. Vous m’avez dit dans votre chère missive que l’austérité du Carmel ne vous rebute point ; mais que vos quarante ans figureraient bien mal parmi les gais vingt ans du noviciat. Ne croyez pas que vous seriez