Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
AMOUR


D’une pareille soif montre-toi jaloux, frère.
L’appelle qui voudra faiblesse ou lâcheté,
Nous savons ce qu’elle est : du ciel sur notre terre
Le rayon le plus doux qui se soit reflété.

Si l’on nous demandait pourquoi cette faiblesse ;
D’aimer et d’être aimé pourquoi l’ardent désir ;
Pourquoi dans cet amour, plus souvent trait qui blesse
Que baume qui guérit, nous cherchons le plaisir.

Pourquoi, répondrons-nous, au fond de la vallée
Pas un frêle brin d’herbe et pas un arbrisseau ;
Pourquoi pas un insecte au sein de la feuillée ;
Sur les monts pas un aigle et pas un passereau ;

Pourquoi pas un seul être, où circule la vie,
Qui n’aspire à sa part de rayon de soleil,
À sa part de la brise, à sa goutte de pluie,
À son souffle d’air frais au matinal réveil ?

Pourquoi, pourquoi, flétri par la brûlante haleine
De quelque ardent simoun, lorsque tout a frémi
Sous les baisers de l’aube illuminant la plaine,
Seul le roc aux flancs nus reste terne, endormi ?

Lorsque l’on m’aura dit pourquoi dans la nature
Chaque vivant gémit, soupire nuit et jour ;
Pourquoi tout animal réclame une pâture,
Moi, je dirai pourquoi j’ai tant besoin d’amour.

Tout comme en mon palais je ne sais quelle flamme
Me brûle et veut parfois un vin rafraîchissant ;
Ainsi, mais plus profond, des fibres de mon âme
S’élance vers l’amour un appel incessant.

Amour, ta coupe d’or, dit-on, verse l’ivresse ;
Un vin fumeux l’emplit. Malheur à qui la prend.
Eh bien ! tant pis ! J’ai soif ! Je sens la sécheresse
Qui me brûle, et toi seul, amour, es mon calmant !