avaient sollicité la main de la protégée de sœur Thérèse ; mais dans l’intime de son cœur l’angélique jeune fille s’était déjà donnée à Dieu. Elle s’était sentie attirée de bonne heure vers une vocation plus haute et plus sainte que celle du mariage ; elle aussi avait rêvé de revêtir un jour les pieuses livrées des Filles de Saint Vincent de Paul, dont une avait fait son bonheur…
L’ouvrier adorait sa fille, elle était si sage et si belle ! Lorsque les camarades de l’usine lui disaient : « Père Rancurel, savez-vous que vous avez un joli brin de fille, » le bonhomme en devenait cramoisi de plaisir et d’orgueil. Il regrettait amèrement de lui avoir fait une enfance si malheureuse ; mais la bonne jeune fille avait pardonné et oublié.
Il se plaisait en son petit logis, qu’ensoleillaient les printaniers vingt ans de Marie-Louise. Nul n’aurait reconnu dans les deux riantes chambrettes l’infect taudis de jadis. Depuis longtemps, grâce à la maternelle sollicitude de sœur Thérèse, la misère avait fini par faire place à un certain bien-être qui s’était accru encore depuis que la jeune fille, ouvrière économe, habile et diligente, avait augmenté par son propre gain le salaire de l’ouvrier. On aurait dû être complètement heureux dans ce foyer. Cependant il y avait dans les grands yeux d’azur de Marie-Louise une expression mélancolique laquelle, tout en ajoutant un charme de plus à son délicieux visage, révélait un secret chagrin. Malgré les délicates industries de sa filiale tendresse pour arracher son père à l’empire de sa funeste passion, celui-ci en était toujours le docile esclave. À la moindre tentation ses bonnes résolutions s’évanouissaient ; la « Boisson », cette implacable enne-