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CŒUR MAGNANIME

de se perfectionner dans l’art médical : le jeune homme avait choisi la noble carrière de son père adoptif.

On venait d’entrer dans la semaine fixée pour le départ. Ce soir-là, Monsieur et Madame Solier étaient absents de leur demeure, retenus, chacun de leur côté, auprès d’un malade et au chevet d’un mourant, tellement la vie de ces deux époux exemplaires aurait pu se résumer en ces deux mots : devoir, charité…

Anne-Marie, se trouvant seule, s’était mise au piano et de sa voix harmonieuse elle chantait un fragment des « Noces de Jeannette, » elle avait choisi — à dessein, sans doute — la gracieuse et touchante romance dans laquelle « Jeannette » exhale ses plaintes à propos de son amour déçu.

Rodrigue qu’elle croyait hors de la maison, était entré sans bruit et l’écoutait ému, il fut surpris de l’inflexion douloureuse avec laquelle elle modula le plaintif refrain :

 
« Ma pauvre âme est pleine
D’un mortel souci
C’était bien la peine
De l’aimer ainsi. »

Comme elle s’apprêtait à quitter le piano, il s’approcha d’elle : elle sursauta de surprise, elle se doutait si peu de sa présence.

— « Chante encore, petite sœur, lui dit-il, j’aime tant entendre ta jolie voix. »

— « Pas aujourd’hui, répondit-elle, car je suis un peu lasse. »

— « Qu’as-tu ? »