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Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/31

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CŒUR MAGNANIME

« Tu es bien jeune pour prendre une telle décision, quelle raison t’y engage ? »

Elle se tut, et comme il insistait :

— « Si tu voulais — lui dit-elle suppliante — nous abandonnerions ce sujet ; il me fait trop de mal. »

— Anne-Marie — reprit Rodrigue, tenant toujours emprisonnées dans les siennes les petites mains blanches et fines qu’il sentait trembler. — Anne-Marie, je vais partir, peut-être que nous ne nous reverrons plus…. Qui sait ? je puis mourir !… La mort n’attend pas toujours le déclin de la vie pour nous ravir à ceux qui nous aiment et que nous aimons… Avant de nous quitter je voudrais pouvoir emporter la douce certitude que tu as encore pour moi cette fraternelle affection que tu me témoignais naguère, et que cette froideur, que je constate en toi et qui me torture, n’est qu’une douloureuse tromperie de ma tendresse jalouse. Regarde-moi, ma chère petite sœurette, pour que je lise encore dans tes grands yeux un reste de cette confiante amitié, qui faisait jadis mon plus grand bonheur. »

Comme elle les gardait toujours baissés, sentant monter les larmes, il reprit, avec un accent de tristesse.

« Anne-Marie, si tu m’aimes encore un peu, regarde-moi. »

Elle leva alors sur lui son beau et limpide regard, des pleurs emplirent soudain ses yeux, ils glissèrent le long de sa joue et, en tombant, mouillèrent les mains de Rodrigue.

« M’aimes-tu comme autrefois — insista-t-il en l’attirant doucement à lui.

— Oh ! oui, comme autrefois et même — ajoutait-elle plus bas — bien davantage ! »