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CŒUR MAGNANIME


VI


La nature virile d’Anne-Marie triompha bien vite de l’anéantissement où l’avait plongé le départ de Rodrigue. Tout en pensant au cher absent, elle reprit le cours de sa vie ordinaire dont les occupations sérieuses tenaient la plus large part.

Enfin la lettre si impatiemment attendue arriva un mois après le départ du jeune étudiant : ce mois avait paru interminable. Anne-Marie la lut à haute voix à ses parents et aux serviteurs assemblés, pour la circonstance, auprès de leurs maîtres. Dans cette maison, aux mœurs pures et antiques, les gens de service faisaient un peu partie de la famille ; en raison de leur fidélité ils étaient associés à tous les événements heureux et malheureux qui venaient tour à tour attrister ou réjouir le foyer.

Quand tout le monde fut réuni, la jeune fille commença, d’une voix un peu tremblante, la lecture de la missive suivante, en ayant soin toutefois de passer prudemment sous silence les passages, qui la concernaient elle seule et qui auraient pu trahir le secret amour, l’unissant à son frère adoptif.


Paris 20 juillet 1888.
1 bis Place des Petits-Pères.

Me voici depuis quelques heures seulement dans la