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CŒUR MAGNANIME

cher le plus qu’il me sera possible, je vais apporter, pour arriver à ce but, tous mes efforts et tout le sérieux dont je dispose.

Je me présenterai, dès demain, chez le docteur Décugnier à qui papa me recommande.

J’arrive au récit de mon voyage. Il s’est accompli de la façon la plus heureuse ; la traversée a été très belle, sauf le troisième jour où nous avons éprouvé un commencement de tempête, qui s’est calmé presque subitement, au grand soulagement de tous ! Nul doute que vos ferventes supplications ont largement contribué à nous préserver des fureurs de Neptune…

Nous étions, comme passagers de « première », environ une cinquantaine ; l’élément féminin dominait dans notre classe, paraît-il, mais on s’en est guère aperçu durant le voyage ! je suppose que les pauvres estomacs étaient à la torture, ce qui obligeait ces dames à se confiner dans leurs cabines respectives ; le mien, à certains jours, n’était pas très à son aise ; cependant j’ai pu faire bonne contenance et, avant le terme de la traversée, j’avais déjà le pied et le cœur aussi solides que ceux d’un vieux marsouin.

Il y avait cinq jeunes américaines — l’aînée de la bande n’avait pas vingt ans, la plus jeune comptait à peine seize printemps — elles allaient toutes seules, sans autre « mentor » que leur extrême jeunesse, visiter les beautés de la vieille Europe.

Je ne suis pas l’ennemi de l’émancipation de la femme, je l’approuve dans une mesure en rapport avec la réserve due à son sexe ; mais la trop grande liberté de nos sœurs de la frontière ne me plaît pas du tout : une jeune fille livrée à elle-même risque souvent, en raison