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CŒUR MAGNANIME

très basse, je m’emmitouflais alors à la façon d’un esquimau et je bravais la brise du Nord. Souvent j’allais m’égarer aux « troisièmes ». À ma vue les enfants, qui s’y trouvaient, battaient joyeusement leurs petites mains et pour cause… ils savaient, les pauvrets, que je leur apportais un peu de ces friandises qui surabondaient à notre table. Les parents me souriaient avec reconnaissance, la plupart étaient des Italiens, beaucoup retournaient aux pays aussi pauvres que lorsqu’ils l’avaient quitté : l’Amérique n’est point pour tous la terre promise, hélas ! Les infortunés que j’avais sous les yeux s’en revenaient le cœur rempli d’amères déceptions ; au lieu de la richesse rêvée, ils n’avaient récolté que désenchantements et souffrances. Ces pauvres malheureux ne se doutaient guère que le jeune « signor », comme ils m’appelaient, avait connu jadis leur infortune. J’ai été l’enfant gâté de la Providence, car le jour, où Elle me reprenait si soudainement les êtres aimés qui me donnèrent la vie, elle m’envoyait au même moment un autre père et une autre mère, dont la tendresse allait me faire promptement oublier mon triste sort ; en plus Elle me donnait en toi une ravissante petite sœur, qu’Elle me destinait pour être l’ange de ma vie. Oh ! oui, je me le redis souvent, j’ai été un privilégié et je me plais à le reconnaître.

J’habite vis-à-vis le sanctuaire de Notre-Dame-des-Victoires, tant vénéré des parisiens ! Je compte profiter très souvent de ce pieux voisinage. Je n’ai, pour m’y rendre, qu’à traverser la place, guère plus grande que l’emplacement où se dresse notre Basilique. J’y vais à l’instant pour placer sous la protection de la Reine des cieux mon séjour dans la « ville lumière ».