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CŒUR MAGNANIME

puisait dans la douce certitude du retour un continuel encouragement qui l’aidait à supporter vaillamment la longue absence.

Une seconde lettre du « cher parisien », comme on le nommait déjà en famille, vint la confirmer dans son ferme espoir. Comme la précédente, Anne-Marie la lut à tous.


Paris, 27 juillet 1888.

Selon ma promesse je viens te parler de mes hôtes : la crème des braves gens, ma chère, ils me soignent et me dorlotent à l’égal d’un enfant. Ils avaient un fils, m’ont-ils dit, ils l’ont perdu l’année dernière, et il avait mon âge ; ces pauvres gens s’imaginent le voir revivre en moi : de là leurs prévenances et leurs bons soins. Ils se nomment Muller et sont tous deux de Strasbourg. Ils sont très sympathiques. Un drôle de couple, par exemple ! le mari est tout en longueur et me fait songer au légendaire don Quichotte ; quant à sa Dulcinée, c’est son vivant opposé ! la bonne dame est toute en largeur ; malgré sa malheureuse ampleur, dont elle ne paraît pas s’affliger du tout, elle est toujours en mouvement et très active dans sa besogne.

Ils ont une fille, âgée de dix-huit ans ; je ne l’ai point vue, elle est en pension, mais doit arriver ces jours-ci pour les vacances. Probablement qu’elle ne retournera plus au couvent, puisque son cours est achevé. Mes hôtes paraissent adorer cette fillette dont ils me parlent sans cesse ; ils m’assurent qu’elle est incomparablement jolie ; je fais un effort pour le croire, en tout cas elle ne doit pas leur ressembler… quoi qu’il en soit cela m’importe peu !