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CŒUR MAGNANIME

promenade un peu longue, de se munir d’un parapluie… Allons, voilà que je me mets à médire de la « Ville Lumière » ; cela ne m’empêche pas de reconnaître que chez elle les merveilles surabondent, elles rachètent amplement son ciel perpétuellement gris. Il est vrai que nous sommes entrés dans une mauvaise période, car enfin je serais un peu trop loin de la juste vérité si j’avançais que le soleil n’y fait pas parfois de jolies risettes.

J’ai vu la fille de mes hôtes. Le plumage répond au ramage : une adorable miniature, ma chère. Elle tenterait, j’en suis sûr, le pinceau d’un peintre. La jolie enfant ne ressemble en rien à ses parents. « In petto » je me dis qu’on a dû la changer dans son jeune âge. Elle est si mignonne et si frêle qu’instinctivement on se sent porté à la protéger, il semble que le plus léger souffle va l’emporter ; toute la vie paraît s’être réfugiée dans ses larges prunelles claires ; l’expression de son regard est tour à tour volontaire, caressant, mutin, timide. C’est encore une enfant. Elle n’a que dix-huit ans et les porte à peine. Son abondante chevelure, d’un roux foncé, et tout ondulée, semble trop lourde pour sa fine tête de camée ; sa bouche est délicieusement jolie, un brin espiègle ; en s’ouvrant elle laisse apercevoir de ravissantes petites dents, semblables à des perles nacrées.

Il faut que je te raconte notre première entrevue, elle ne manque pas de piquant, je t’assure.

Mes hôtes viennent d’acquérir une jolie petite villa à la Varenne Saint-Hilaire, une des plus coquettes stations estivales des environs de Paris, et très fréquentée des artistes ; la plupart même y habitent durant la belle saison.