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CŒUR MAGNANIME

avait promis qu’il se ferait un devoir de la ramener en France si l’ennui venait à s’emparer d’elle. Elle lui répliquait gentiment qu’avec lui elle irait au bout du monde, car son amour lui tenait lieu de tout.

Ils étaient très unis. Rodrigue ne pouvait se défendre d’un amer regret au souvenir de son premier rêve ; mais jamais Odile ne comprit qu’une autre, avant elle, avait possédé le cœur de son mari. Lui l’entourait de cette tendresse protectrice dont son extrême jeunesse et son caractère enfantin avaient tant besoin. Il comprenait que la jeune femme ne lui serait jamais un soutien à l’heure de l’épreuve. Nullement familiarisée avec le côté sérieux de la vie, ignorante encore de la douleur, le premier chagrin briserait sans doute ce petit être fragile : le bonheur seul la ferait vivre. Il résolut de se réserver la part des soucis et des peines et de rendre à Odile l’existence aussi heureuse que possible.

Il comptait sur l’appui d’Anne-Marie pour lui en faciliter la tâche. Il savait qu’auprès d’elle il trouverait toujours ce conseil et ce réconfort qu’il ne pouvait attendre de l’enfant gâtée dont il avait fait sa femme…

Anne-Marie se réjouissait, elle aussi, de l’arrivée du jeune ménage. Dans ce cœur sans fiel, la rancune n’avait point d’accès.

Comme le disait l’abbé de Montaigu « elle avait pardonné en aimant. » À cette heure elle goûtait cette joie intime, qui suit toujours l’accomplissement d’un grand sacrifice.

La vieille Léocadie, elle-même, participait à l’unanime contentement. À présent elle était pleinement réconciliée avec « l’enfer de Paris », puisqu’il leur rendait