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CŒUR MAGNANIME

le père et la mère, de deux enfants encore adolescents. Cette famille était classée dans l’intéressante catégorie des « pauvres honteux ». Cette misère voilée était bien faite pour attirer la compassion de mon pauvre ami. Le chef de ce foyer infortuné, qui jadis avait connu le bien-être, avait été autrefois professeur dans un des plus grands collèges de Paris ; une cabale montré contre lui par la jalousie fut la cause de sa démission. Une épreuve ne vient jamais seule ; la maladie fit sa sombre apparition ; elle épuisa les économies du ménage. Enfin, lorsque par un providentiel hasard on découvrit cette infortune, qui persistait à vouloir demeurer ignorée, le désespoir allait commencer son œuvre. Rodrigue, par des prodiges de bontés et de délicatesses, parvint à obtenir la confiance des malheureux : il devint leur ange consolateur. Aidé des largesses de notre ami Martinenq il était parvenu à leur rendre, sinon l’aisance des premières années de leur union, du moins un bien-être relatif qui les mettaient désormais à l’abri des privations. On avait en outre procuré au mari de nombreux élèves et des travaux d’écriture, lesquels lui permettaient de gagner honorablement son existence et celle des siens. Le bonheur renaissait dans ces cœurs éprouvés quand soudain la fièvre épidémique, après avoir atteint successivement les deux enfants, heureusement guéris par les soins dévoués de leur bienfaiteur, s’abattit sur le père. Rodrigue alors s’installa dans ce foyer contaminé où il dépensa, sans compter, toutes les ressources de son cœur et de sa science déjà éminente. Cette fois encore le mal allait céder devant ses généreux efforts : son malade était sauvé.

La dernière fois que je vis mon ami, plein de jeu-