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ii
Préface.

Veut-on savoir quelles étaient les notions les plus répandues, relativement à l’origine de notre ancien théâtre, avant que M. Magnin fit apparaître la vérité, dont elles usurpaient la place ? Prêtons pour quelques instants une oreille patiente à ces paroles prononcées en 1832 devant un nombreux auditoire : « Si l’on voulait chercher l’origine de notre théâtre dans une époque antérieure au règne de Charles VI, c’est-à-dire à la fin du XIVe siècle, on verrait des jongleurs se promenant dans les villes, montés sur des chars, chantant des chansons grossièrement naïves, et apostrophant les passants de toutes les classes par d’injurieux quolibets...

« L’opinion la plus générale établit le berceau de la scène française dans le village de Saint-Maur-lez-Fossés, situé au delà du bois de Vincennes. Nos arts scéniques prennent naissance auprès des cérémonies religieuses, au milieu de cette foule immense de pèlerins, de pénitents et de gens de toute espèce, que la dévotion appelait dans ce village pour visiter les reliques de saint Babolein et de saint Maur, ou pour boire l’eau de la fontaine des Miracles, qui, disait-on, guérissait d’un grand nombre de maladies et principalement de la goutte (3). »

Comme on le voit, les travaux des le Grand d’Aussy, des Roquefort et autres savants qui se sont occupés des origines de notre littérature, étaient inconnus au discoureur que je cite; il est du nombre de ceux qui n’invoquent une autorité que lorsqu’elle a cessé d’en être une.

Maintenant, écoutons M. Charles Magnin; il est dans la chaire d’une faculté justement célèbre, et son auditoire, moins nombreux peut-être que celui qui témoignait vivement sa satisfaction à l’auteur des pauvretés dont je viens de citer des extraits, est aussi moins frivole et plus littéraire. Après quelques mots d’exorde, le professeur s’exprime ainsi :

« Avant, bien avant les confréries de la Passion, avant ces pieuses associations laïques, ou mi-partie de laïques, d’autres associations avaient accompli une œuvre de même nature. Un autre système avait fourni sa course et satisfait les imaginations populaires, toujours avides de plaisirs scéniques et des émotions du drame. Les Mystères, les Moralités, les Sotties, représentées par les soins des corporations de métiers ou aux frais des compagnies de judicature, sur nos places publiques et dans les salles de nos maisons de ville, sont une des formes les plus récentes de l’art théâtral, et, par conséquent, ne sauraient être considérés comme l’origine directe et véritable du théâtre tel que nous le voyons.