Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monie qui existe entre le monde et nous, et se plaisait à écouter cette voix de la nature qui s’élève constamment vers le ciel, et qui lui semblait, ainsi qu’à l’apôtre, un soupir de la création.

Notre lac, nos montagnes ont donc une grande part dans sa poésie, et par là il appartient pleinement à notre littérature nationale, à cette littérature de la Suisse romande dont on a trop légèrement nié l’existence. De l’autre côté du Jura et même de celui-ci, on est habitué à nous considérer, au point de vue des lettres, comme une province française, une faible dépendance de la grande cité vers laquelle toute la sève reflue, « comme le sang au cœur, » et l’on nous demande de montrer notre idiôme particulier avant d’élever des prétentions à une littérature particulière. Mais un idiôme peut-il faire autre chose que de créer une unité factice ? La vraie unité, ce qui constitue une littérature à part, n’est-ce pas avant tout un esprit commun, des sentiments communs ? Sous ce rapport, Olivier, Durand, Monneron ne forment-ils pas une famille ? et n’avons-nous pas au moins une poésie à nous ?

Quoi qu’il en soit, la poésie de Monneron porte un cachet national ; elle se nourrit de notre nature et nous élève constamment vers ces Alpes, qu’il aimait et qu’il comprenait à sa façon. Le désert a eu son poète, il s’est rempli des soupirs de René. Les fantômes d’Ossian ont laissé l’empreinte de leurs