Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/36

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certitude du retour ne lui a-t-elle pas rendu moins amer le pain de l’exil ? Pourquoi la joie ne remplit-elle pas son ame de force et de santé ? Pourquoi ? c’est que nous retrouvons en lui ce développement exagéré des facultés intellectuelles avec cette faiblesse de la volonté qui est le mal le plus profond, le plus affligeant de notre époque, et qui a déjà frappé d’impuissance tant d’ames élevées. Jetez un coup-d’œil sur la littérature, sur la poésie actuelles ; étudiez en même temps l’état moral des hommes qui sont encore sérieux. Où trouverez-vous des chefs-d’œuvre ? Qu’est devenue la foi qui les produisait jadis ? Et la conviction religieuse, où sont ses monuments ? Où est la jeunesse, la vigueur qu’elle donne à l’âme ? Hélas ! en littérature la critique seule est debout : elle prend ses aises pour mesurer des ruines ! Et dans le domaine spirituel c’est la raison, cette lumière sans vie, qui comprend tout, qui juge de tout, et n’aboutit à rien. Une vie basée sur un principe de foi est devenue un phénomène ; l’espérance, une vertu. Partout l’intelligence est reine, et la volonté paralysée ne retrouve des forces que dans le monde matériel.

Monneron, on le sent, a vécu dans cet air vicié. Poète, il aspire à la cité céleste ; mais il n’a que le génie qui dévore et le désir qui consume ; il n’a pas la force qui fait attendre. Les yeux levés vers le ciel, il y contemple son étoile, et les timides