Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Je voudrais à nos jeux l’amorcer dans l’abîme,
» Et lui donner la mort en le rendant sublime… 3 »
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
— « Frères, dit l’un d’entr’eux, frères, connaissez-vous…
» Auriez-vous traversé les ténébreuses Joux 4
» Qui voilent de nos monts la côte orientale ?
» Plus loin, sur le revers, dans la nuit infernale,
» S’ouvre bruyant, étroit, un abîme enfumé.
» Là gravissent les pins et le souffle embaumé
» Des gazons de la pente où tremblent les rosées,
» Qu’un vent de la cascade au loin a déposées.
» Endormons le poète en cet affreux chaos,
» Au sifflement des pins, au tonnerre des flots ;
» Et bientôt, de ces rocs descendant la crevasse,
» Vers nous dans la vallée il viendra prendre place. »
— « Le conseil est fort beau, dit en tremblant de peur
» Un ange de la rive aux ailes de vapeur ;
» Mais pour l’exécuter il nous faudrait enfreindre
» Le droit du roi des eaux… 5 Or, il est tant à craindre !
» Brisons-là, mes amis ; sinon, malheur à nous ! »
— « Eh mais, dit son voisin, de vous contenter tous
» Il n’est point mal aisé ! L’ardente poésie
» Dont l’ame du jeune homme est sur nos monts saisie,
» N’est qu’un poison d’amour qui nous secondera.
» Laissez-moi le poursuivre, et bientôt il viendra
» Danser aux vents du soir dans la ronde éternelle !