Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/77

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» Efface l’avenir ! ô jeunesse ! ô mystère !
Âge où l’on voit les cieux sans comprendre la terre !
Il fait jour ! je le sens aux glaces de mon cœur !
Mais à l’heure où l’amour n’est qu’un songe funeste,
On n’a pour remonter à la source céleste
Que les ailes de la douleur !

» Des douces voluptés il faut fuir la mémoire.
Adieu, matin d’enfance ! adieu, rêve de gloire !
Dans ma chère patrie on ne sert pas mes dieux…
Jamais on n’y comprit le souffle qui m’inspire.
Je n’y sais que deux lots… dans la plaine on expire,
Ou l’on se cache dans les cieux.

» Aussi t’ai-je perdue, ô foi naïve et sainte !
La lampe au sanctuaire aujourd’hui s’est éteinte ;
Rien n’est mûr dans cette ame où tout a pu fleurir.
Les ombres de la terre ont voilé mon génie,
Et je n’ai rien gardé de sa pure harmonie,
Sinon qu’il est doux de mourir.

» Qui ne sait pas aimer sous sa lyre succombe !
Ange des premiers jours ! viens, je veux dans ma tombe,
Du Dieu que j’ai pleuré, déposer le long deuil.
Là, tu m’attends peut-être, inspirateur fidèle,
Pour entonner les chants de la noce éternelle
Sur les roses de mon cercueil !