Page:Monneron - Poésies, 1852.djvu/84

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Aventurier du ciel, endormi dans ta couche,
Tu recueillais d’en-haut mes baisers sur ta bouche.
Ignorant d’où soufflait ce vent harmonieux,
Souvent tu t’éveillas et tu pleuras mes cieux ;
C’est moi qui, sur le soir, parlant à ton oreille,
Parfois ranime encore ton ame qui sommeille,
Et t’épanouissant d’un amour infini,
Au chœur des immortels souvent t’ai réuni.
C’est moi qui confiant à ton ame amoureuse,
Ces intimes pensers qu’en pleurant elle creuse,
Secrets que l’ignorance aima tant à flétrir,
De la lyre à ton tour t’ai rendu le martyr.
Viens donc, cède aujourd’hui, cède à ma voix profonde,
Qui t’entraîne au désert, loin des mépris du monde.
Le monde… Son caprice a créé ton devoir ;
Rends-lui ce vain fardeau. Toi, tu vis pour savoir,
Pour bercer de tes chants les souffrances humaines,
Pour leur parler des cieux et mourir loin des plaines !
Je sais bien qu’ils t’ont dit : « Renonce à ces plaisirs,
» Vains rêves corrupteurs qui charmaient tes loisirs ;
» Borne cet horizon que t’ouvrit la pensée ;
» La vie est dure ! Il faut qu’étroite, ramassée,
» L’ame, pour la braver, se fasse des trésors
» De sacrifice austère, et non de vains accords.
» Les chants sont pour le ciel ; mais les pleurs pour la vie.
» La terre est un malheur ; mais Dieu nous y convie ;