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CONTES POPULAIRES EN ITALIE

et l’unité du calholicisme romain. Le ciel du peuple est une sorte d’Olympe rempli de dieux et de demidieux et dominé par l’éternel féminin, la Vierge Marie. L’Ave Maria est la prière de chaque jour et de chaque instant, bien plus commune que le Pater noster. Au-dessous de la Vierge-Mère s’étagent quantité de divinités subalternes entre lesquelles la dévotion n’a que l’embarras du choix.

— Tout cela, dira-t-on, ne ressemble point à la religion de la France.

Assurément, mais ce qui fait les âmes pieuses, ce n’est pas l’orthodoxie des dogmes, c’est uniquement la sincérité de la foi. Or, en Sicile, la foi est très-sincère, elle croit tout ce qu’on lui dit et ne raisonne pas ; elle s’agenouille avec une ferveur et une fièvre qui peut aller jusqu’au délire et ne veut point être rassurée contre cette peur du diable qu’on prend encore presque partout pour la crainte de Dieu. C’est précisément la solidité de cette conviction qui permet aux Siciliens de traiter gaîment les choses sacrées. L’homme en effet ne rit que de ce qui l’intéresse, et il faut que la religion nous tienne bien au cœur pour que nous y trouvions une source de gaité. C’est dans les pays de croyants qu’on débite le plus de drôleries sur les prêtres.

Allez par exemple dans le canton de Vaud ; hantez les maisons les plus franchement chrétiennes, vous y apprendrez au dessert que le Nouveau Testament est un des mots qui désignent le tire-bouchon. Demandez pourquoi ; l’on vous répondra qu’un jour une réunion de pasteurs discutaient sur un passage de l’Évangile, et que, pour se mettre d’accord, ils voulurent consulter le texte même, mais aucun d’eux n’avait sur lui son Nouveau Testament. Vint l’heure du dîner, et il s’agit de déboucher une bou-