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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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où il devait déposer un livre enchanté, annonçant douze cents ans d’avance la venue de Notre Seigneur. Il envoya son disciple Merlin à l’endroit où était caché ce livre ; Merlin devait le rapporter sans l’ouvrir, mais le moyen de n’être pas curieux quand on a sous le bras un pareil trésor ? Ce disciple déroula donc le volume, et aussitôt les signes étranges tracés sur le parchemin se mirent à tourbillonner dans l’air et à danser en hurlant une ronde infernale.

— Tu nous as évoqués, dirent-ils à Merlin (exactement comme l’Esprit de la terre au docteur Faust,) que nous veux-tu ?

— Que la route soit pavée de Naples à Rome.

Aussitôt la voie appienne se couvrit de dalles qu’on peut voir encore à Pouzzoles, à Cume et au-delà. (Je livre enchanté avait d’abord appartenu à un autre sorcier nommé Zabulon, qui l’avait caché dans le nez d’un géant d’airain sur la montagne aimantée. Virgile s’embarqua pour l’aller prendre, mais il eut à souffrir toute sorte d’épreuves et de malheurs ; les sirènes endormirent les navigateurs avec leurs chansons fatales, et des crocodiles et des griffons les traînèrent endormis à l’autre bout de la mer ; plus tard la montagne aimantée attira les clous de la barque, dont les planches disjointes s’éparpillèrent de tous côtés. Puis il fallut vaincre le géant qui se dressa de toute sa hauteur en brandissant une massue formidable ; mais Virgile possédait un anneau enchanté dans lequel Aristote avait enfermé un méchant esprit marin sous la forme d’une mouche, et il put, grâce à cet anneau, s’emparer du livre sibyllin.

C’est à Naples surtout, ville fondée par lui, comme on sait, que l’enchanteur fit des miracles. Il y créa une école, la Scuola di Virgilio, qu’on montre encore au pied du Pausilippe ; il y enseignait la nécroman-