Page:Monnier - Les Contes populaires en Italie, 1880.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
CONTES POPULAIRES EN ITALIE

quatre paroles noires, dessine trois cercles puants et chante :

— Tourne, tourne autour, autour. — La mer, le monde, se découvrent, — la lune s’obscurcit, le soleil tremble, — et la fortune enveloppe, entraîne tout.

Depuis cette incantation, l’île est un lieu fatal. Qu’on aille à la sépulture et qu’on regarde les ossements, le ciel s’assombrit, le tonnerre gronde, les foudres tombent par milliers ; on dirait le déluge universel. Pour la mer, qui dira ce qu’elle fait ? Tempêtes, montagnes de vagues, batterie d’enfer : elle engloutit les barques et les vaisseaux comme des pilules. Il n’y a pas de courage qui tienne : plus on est hardi, plus l’on va au fond ; Dieu nous fasse la grâce, Seigneur, que jamais n’aillent s’y risquer les fils de nos mères ! Et que celui qui a dit cette histoire et celui qui la lui a fait dire ne puissent jamais mourir de male mort !

Il serait facile de multiplier ces exemples et de montrer ainsi les étranges transformations qu’ont subies les fables païennes en devenant des contes siciliens. Tel de ces contes nous montre un prince quelconque doué d’une force extraordinaire qu’il devait à un cheveu d’or ; ce prince n’est autre que Nisus, roi de Mégare qui, blanchi par l’âge, avait conservé un cheveu de pourpre auquel était attachée la conservation de son royaume, et ce Nisus lui-même rappelle d’autres héros fabuleux, sans compter le héros biblique, Samson. Jupiter, Bacchus, Hercule reparaissent, réduits à la taille de simples mortels, dans les récits de la Messia et de ses compagnes, mais ces dieux et ces demi-dieux n’étaient eux-mêmes que des transformations de mythes plus anciens : en remontant à la source de quantité de