Page:Monod - Jules Michelet, 1875.djvu/100

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« La tradition humaine est fixée là-dessus. L’homme ne veut pas être homme, mais ange, un Dieu ailé. Les génies ailés de la Perse sont les chérubins de la Judée. La Grèce donne des ailes à sa Psyché, à l’âme, et elle trouve le vrai nom de l’âme, l’aspiration (ἆσθμα). L’âme a gardé ses ailes ; elle passe à tire-d'aile dans le ténébreux moyen âge, et va croissant d’aspiration. Plus net et plus ardent se formule ce vœu, échappé du plus profond de sa nature et de ses ardeurs prophétiques :

« Oh ! si j’étais oiseau ! » dit l’homme. La femme n’a nul doute que l’enfant ne devienne un ange.

« Elle l’a vu ainsi dans ses songes.

« Songes ou réalités ?… Rêves ailés, ravissements des nuits, que nous pleurons tant au matin, si vous étiez pourtant ! Si vraiment vous viviez ! Si nous n’avions rien perdu de ce qui fait notre deuil ! Si d’étoiles en étoiles, réunis, élancés dans un vol éternel, nous suivions tous ensemble un doux pèlerinage à travers la bonté immense !…

« On le croit par moments. Quelque chose nous dit que ces rêves ne sont pas des rêves, mais des échappées du vrai monde, des lumières entrevues derrière le brouillard d’ici-bas, des promesses certaines, et que le prétendu réel serait plutôt le mauvais songe. »