Page:Monod - Jules Michelet, 1875.djvu/129

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rie irrespectueuse ; comme l’enfant, il était souvent gai et jamais railleur, parfois triste et jamais découragé ; comme l’enfant enfin, il comprenait les choses par intuition plus que par analyse, et d’un simple regard pénétrait souvent plus profondément dans la réalité que ne l’aurait fait la critique la plus subtile. Ce qu’il a écrit dans le Peuple sur l’homme de génie peut s’appliquer à lui-même :

« Si vous étudiez sérieusement dans sa vie et dans ses œuvres ce mystère de la nature qu’on appelle l’homme de génie, vous trouverez généralement que c’est celui qui, tout en acquérant les dons du critique, a gardé les dons du simple… La simplicité, la bonté sont le fond du génie, sa raison première ; c’est par elles qu’il participe à la fécondité de Dieu… Le génie a le don d’enfance, comme ne l’a jamais l’enfant. Ce don, c’est l’instinct vague, immense, que la réflexion précise et retient bientôt, de sorte que l’enfant est de bonne heure questionneur, épilogueur et tout plein d’objections. Le génie garde l’instinct natif dans sa forte impulsion, avec une grâce de Dieu que malheureusement l’enfant perd, la jeune et vivace espérance. »