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Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/151

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pour apprécier avec équité ce qui nous paraît au premier abord excessif, exclusif ou erroné. Si Taine, comme tous les médecins très consciencieux, fut disposé à s’exagérer la gravité du mal, il était, par contre, incapable de chercher à flatter les goûts du malade, et les divers partis politiques qui ont tour à tour vu en lui un allié ou un adversaire se sont également mépris sur ses intentions. La recherche de la popularité lui était aussi étrangère que la crainte du scandale. Son premier volume a indigné les admirateurs de l’ancien régime, les trois suivants ceux de la Révolution, les deux derniers ceux de l’Empire. Pour lui, il se sentait aussi incapable de donner un avis sur leurs querelles que Spinoza l’eût été de se prononcer entre les Arminiens et les Gomaristes[1]. Il était en dehors et au-dessus des partis ; il ne songeait qu’à la France et à la science.

  1. Il écrivait à Havet, le 18 novembre 1885 : « Je n’ai pas d’opinions arrêtées sur le présent ; je cherche à m’en faire une ; mais probablement je n’en aurai jamais, parce que les documents, l’éducation, la préparation me manquent. J’entends une opinion scientifique ; pour ce qui est de mes impressions, j’en fais bon marché ; elles sont sans valeur, comme celles de tout particulier et de tout public. Mon but est d’être collaborateur dans un système de recherches qui, dans un demi-siècle, permettra aux hommes de bonne volonté autre chose que des