Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/167

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Ce qui frappait avant tout chez lui ; c’était sa modestie. Elle se manifestait dans son apparence même. Elle n’avait rien qui attirât les regards. Il était d’une taille plutôt au-dessous de la moyenne ; ses traits sans régularité, ses yeux légèrement discors et voilés par des lunettes, son corps un peu chétif, surtout dans sa jeunesse, ne révélaient rien de lui à un observateur inattentif. Mais, en le voyant de près, en causant avec lui, on était frappé du caractère de puissance et de solidité de la structure du crâne et du visage, de l’expression, tantôt réfléchie et comme retournée en dedans, tantôt interrogatrice et pénétrante de son regard, du mélange de douceur et de force de tout son être. À mesure qu’il vieillissait, ce caractère de sérénité robuste et aimable s’était accentué, et le peintre Bonnat l’a bien rendu, dans l’admirable portrait qu’il a fait de son ami, un des rares portraits qui existent de Taine, car sa modestie répugnait à poser devant l’objectif des photographes, comme à répondre à l’indiscrétion des interviewers. Il avait horreur de tout ce qui ressemble au bruit, à la réclame ; il fuyait le monde non seulement parce que sa santé et son travail l’exigeaient, mais parce qu’il lui déplaisait d’être un objet