successivement soulevé contre lui les indignations de tous les partis en leur disant à tous ce qu’il croyait vrai. Cette sincérité courageuse, ce n’est pas seulement vis-à-vis des autres et du monde qu’il l’avait montrée, mais, ce qui est plus rare, il l’avait eue vis-à-vis de lui-même. Ayant eu de bonne heure une idée très nette du domaine réservé à la science, il s’était interdit d’espérer d’elle plus qu’elle ne pouvait lui donner comme aussi d’y mêler aucun élément étranger. Il en séparait nettement la morale pratique[1] et la religion. Il ne lui attribuait aucune vertu mystique et ne lui demandait pas les règles de la vie. Mais, d’un autre côté, dans le domaine qui lui est propre, il l’avait suivie, sans crainte, sans hésitation, sans regrets, sans jamais lui demander où elle le conduisait. Il n’avait jamais admis que rien pût entrer en conflit avec la science. Il se
- ↑ Sa morale, nous l’avons dit, était celle de Marc-Aurèle : vivre conformément à la nature, et il dit que cette morale dépasse toutes les autres en hauteur et en vérité, qu’elle est d’accord avec notre science positive (Nouveaux Essais de critique et d’histoire, p. 310). Mais dans son Essai sur Jean Reynaud (Ibid., p. 40), il insiste sur la nécessité de ne pas mêler la morale et la religion à la recherche scientifique. Il ne faut pas que celle-ci soit gênée par des préoccupations étrangères, ni subordonner aux conceptions philosophiques la règle impérative du devoir.