Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/18

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l’historien critique, Taine l’historien philosophe, Michelet l’historien créateur. Non sans doute que Renan et Michelet aient manqué du sens philosophique, Taine et Renan du sens de la vie, Michelet et Taine du sens critique ; mais c’est à Renan qu’il faut demander des leçons de critique ; c’est chez Taine que nous verrons la tentative la plus considérable qui ait été faite pour constituer l’histoire en science au nom d’une conception philosophique, et c’est à Michelet qu’il faut demander le secret de la vision et de la résurrection du passé.

Logiquement cette reconstitution de l’histoire aurait dû être entreprise après que les bases de la science historique et de la méthode critique auraient été posées. Mais peut-être trop de critique et trop de philosophie aurait paralysé l’audace créatrice ; peut-être était-il nécessaire, pour que Michelet pût, comme Ézéchiel, souffler sur les ossements desséchés de la vallée de Josaphat, les revêtir de chair et les pénétrer de l’esprit de vie, qu’il ne fût pas entravé par les scrupules et les distinctions du critique, ni par les déductions rigoureuses du savant. Ce n’est pas que la critique et la philosophie lui fussent étrangères ou indifférentes ; mais ce n’est pas en elles qu’était sa force. Il s’est vanté d’avoir le premier en France utilisé les documents d’archives pour écrire une histoire générale, recommandé l’emploi méthodique