Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/184

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monde organique, et, ce qui constitue la vie, c’est précisément ce je ne sais quoi mystérieux qui fait que la plante sort de la graine, la fleur de la plante et le fruit de la fleur. Le mécanisme universel de Taine ne laissait pas sentir ce mystère, et c’est ce qui donnait à son style comme à son système une rigidité qui éloignait de lui bien des esprits. Amiel a exprimé, avec l’excès que son âme maladive portait en toutes choses, l’impression que produisent les œuvres de Taine sur certaines natures tendres, mystiques, que blesse la logique :


« J’éprouve une sensation pénible avec cet écrivain, comme un grincement de poulies, un cliquettement de machine, une odeur de laboratoire. Ce style tient de la chimie et de la technologie. La science y devient inexorable. C’est rigoureux et sec, c’est pénétrant et dur, c’est fort et âpre ; mais cela manque de charme, d’humanité, de noblesse, de grâce. Cette sensation, pénible à la dent, à l’oreille, à l’œil et au cœur, tient à deux choses probablement : à la philosophie morale de l’auteur et à son principe littéraire. Le profond mépris de l’humanité, qui caractérise l’école physiologiste, et l’intrusion de la technologie dans la littérature,